Le chef Infrastructure sur l’état du réseau des CFF

Deux trains ont déraillé en l’espace d’une semaine sur le réseau des CFF: un train grandes lignes à Lucerne le 22 mars et une rame de la S-Bahn à Berne le 29 mars. Philippe Gauderon, responsable Infrastructure, prend position.

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Philippe Gauderon, les causes des deux déraillements sont-elles déjà connues ?

Les causes des déraillements de Lucerne et de Berne font l’objet d’une enquête du service suisse d’enquête de sécurité (SESE). Pour cette raison, nous ne pouvons pas confirmer aujourd’hui quelle sont les causes de ces déraillements. Mais nous prendrons les résultats de cette enquête très au sérieux.

Les CFF ont-ils un problème de sécurité ?

Non. Les CFF n’ont pas de problème de sécurité. Lorsque deux accidents se produisent dans un court laps de temps, il est humain de chercher à les lier. Mais nous partons du principe qu’il n’y a pas de rapport entre le déraillement de Lucerne et celui de Berne. La sécurité est la priorité numéro un aux CFF. Nous avons tenu jusqu’à présent les objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés cette année. Les deux déraillements récents, mais aussi les deux accidents du travail mortels de février, montrent qu’en matière de sécurité, nous ne devons jamais nous relâcher. A Lucerne comme à Berne, nous avons eu de la chance dans notre malheur. Selon l’Office fédéral de la statistique, le chemin de fer reste de loin le moyen de transport le plus sûr de Suisse.

Quel est l’état du réseau des CFF ?

L’état du réseau des CFF, avec une valeur de 2,7 sur une échelle qui va de 1 («état neuf») à 5 («insuffisant») est bon à suffisant. Nous avons atteint pour la première fois cette valeur. Nous connaissons exactement l’état de l’infrastructure ferroviaire depuis 2009 et nous informons chaque année de manière transparente dans notre rapport sur l’état du réseau. Il est normal que toutes les installations n’obtiennent pas la note 1, car ne serait le cas qu’avec un réseau entièrement neuf. Si nous avons aujourd’hui un retard, c’est parce que nous n’avons pas suffisamment entretenu l’infrastructure dans le passé. Nous partons du principe que ce retard sera stabilisé d’ici 2020, et supprimé d’ici 2035.

Selon le rapport sur l’état du réseau, l’état de la voie ferrée est seulement suffisant. Est-ce que cela a joué un rôle dans les déraillements de Lucerne et Berne?

Au niveau de l’état de la voie ferrée, nous devons distinguer la valeur moyenne et l’état de certaines installations. La valeur moyenne de 3,3 ne cause pas d’inquiétudes, même si elle se situe juste en-dessous de l’objectif de 3,1. Mais un tiers des voies ferrées est dans un état mauvais à insuffisant et doit être renouvelé en priorité, via des mesures immédiates en ce qui concerne certaines installations. Au niveau actuel des connaissances, l’infrastructure à Lucerne et Berne était dans un état bon à suffisant. A Lucerne, nos collaborateurs n’ont constaté aucune irrégularité ni au véhicule ni aux installations de voie avant le déraillement. L’aiguillage de Berne devait être remplacé bientôt car il datait de 1989 mais il était dans un état suffisant. Lors du dernier contrôle par ultra-sons réalisé le 11 mai 2016 et lors du dernier contrôle visuel, mi-mars 2017, aucune irrégularité n’a été constatée. Ce type d’aiguillage est contrôlé toutes les deux semaines visuellement et au moyen d’ultra-sons une fois par an. Une inspection visuelle de l’aiguillage de Berne était prévue mercredi dans l’après-midi.

Est-ce que les CFF n’en font pas assez pour entretenir leur infrastructure?

Bien au contraire : les CFF ont accru l’entretien du réseau ferré dans les dernières années et investissent beaucoup d’argent – en particulier dans l’entretien préventif. Par exemple, les CFF ont meulé 2033 kilomètres de rails en 2016 ; ce sont 589 km (c’est-à-dire 41%) de plus que l’année précédente. En tout, les CFF investissent 2,1 milliards de francs dans le maintien de la substance de l’infrastructure. En 2016, nous avons dépassé les volumes nécessaires d’entretien et de renouvellement (à l’exception du bourrage), afin de stabiliser à long terme l’état de l’infrastructure. La Confédération et les CFF sont conscients de cette situation et ont donnent dans le programme FAIF (Financement et aménagement de l’infrastructure ferroviaire) la priorité à l’entretien sur l’extension du réseau. En exploitant le réseau de manière efficace et en l’entretenant correctement, les CFF contribuent directement à la ponctualité voyageurs. Elle se montait à 88,8% en 2016: le meilleur score en 5 ans.

Dernière question: comment doivent se comporter les collaborateurs qui détectent des risques pour la sécurité?

J’aimerais cultiver une culture ouverte aux CFF. Tous les collaborateurs ont non seulement le droit mais devraient parler des risques pour la sécurité et les annoncer. En outre, nous avons un service confidentiel d’annonce pour les quasi-accidents. On applique le même principe que pour les pompiers: plutôt une annonce de trop qu’une de pas assez.