CP CFF: «L’abaissement reflète les conditions-cadres actuelles.»

En mars 2018, le Conseil de fondation de la CP CFF a décidé d’abaisser le taux de conversion. La communication des CFF du 22 mai a suscité de vives émotions et de nombreuses questions, chez nous comme à la CP CFF. Markus Hübscher, directeur de la CP, répond aux principales interrogations soulevées.

Temps de lecture: 7 minutes

Pourquoi la CP CFF doit-elle abaisser le taux de conversion?

L’abaissement du taux de conversion reflète les conditions-cadres actuelles: en Suisse comme au-delà de nos frontières, l’on observe une politique des taux d’intérêt bas dont on ne voit pas la fin. Partant, les perspectives de rendement de la Caisse de pensions demeurent très faibles. Par ailleurs, l’abaissement du taux de conversion contribuera à réduire la redistribution à la charge des assurés actifs – c.-à-d. des collaborateurs qui cotisent – qui est une réalité depuis des années.

Comment la CP CFF se situe-t-elle par rapport à d’autres caisses de pensions?

La situation actuelle touche toutes les caisses de pensions en Suisse. Nombre d’institutions de prévoyance ont d’ores et déjà abaissé le taux de conversion sous la barre des 5%. La CP CFF n’est donc pas un cas isolé. Avec le taux de conversion actuel, nous nous situons néanmoins clairement en deçà de la moyenne suisse. Une situation qui s’explique en partie par la part très élevée de retraités rattachés à la Caisse de pensions, qui va encore croître au cours des prochaines années. En outre, nous avons encore un souvenir douloureux des dernières mesures d’assainissement. Pour toutes ces raisons, nous sommes contraints de réagir plus tôt que d’autres caisses de pensions aux modifications des conditions-cadres financières.

Il semble que ce soit toujours aux collaborateurs de payer les pots cassés?

Il est vrai que ces dernières années, des redistributions importantes ont été opérées au détriment des assurés actifs. Contrairement à ce qui avait été fait par le passé, nous n’avons pas pu atténuer aussi bien l’effet du dernier abaissement du taux de conversion pour les assurés plus âgés. Cependant, j’aimerais rappeler le versement de 690 millions de francs effectué par les CFF en 2016, qui nous a permis d’augmenter les avoirs de vieillesse de 12% et de compenser ainsi l’abaissement du taux de conversion.

Ne serait-il pas possible de réduire les rentes des bénéficiaires actuels?

Le fait d’associer les retraités au redressement de la situation financière des caisses de pensions afin d’atténuer l’impact des mesures prises et de la redistribution induite au détriment des assurés actifs est une question débattue depuis des années en Suisse. Toutefois, les bases légales et les dernières décisions du Tribunal fédéral sont sans équivoque: une retraite promise à une date donnée ne peut être réduite. La loi autoriserait tout au plus un changement de système vers un mécanisme de rentes variables pour les nouveaux retraités. Par le passé, la CP CFF s’est penchée attentivement sur le sujet. Malheureusement, l’idée a en partie été disqualifiée en bloc dans les débats publics sans avoir fait l’objet au préalable d’un examen de fond. Les jeunes assurés se rendent de plus en plus compte de l’ampleur de la redistribution en faveur des retraités, estimée à sept milliards de francs par an selon la Commission de haute surveillance de la prévoyance professionnelle. La prise de conscience accrue des jeunes assurés se manifeste également dans les commentaires laissés dans la communication des CFF, cette question ayant recueilli le plus de «J’aime».

De nombreux collaborateurs ont qualifié la protection des droits acquis de «mesure trompeuse».

Les déclarations relatives à la protection des droits acquis ont en effet déconcerté nombre d’assurés. Visiblement, nous avons mal expliqué les tenants et aboutissants de cette mesure.

Comment est-ce que ce dispositif fonctionne précisément et qui en profite?

Grâce à la protection des droits acquis, nous souhaitons empêcher que des collaborateurs ne quittent prématurément l’entreprise afin d’éviter de voir leur pension diminuer. En d’autres termes: nous entendons veiller à ce que les assurés qui partiront à la retraite à partir du 1er mars 2019 reçoivent au moins, en francs, la pension à laquelle ils auraient eu droit s’ils étaient partis à la retraite au 1er février 2019.
Nous constatons que les assurés assimilent souvent le taux de conversion au montant de la pension de vieillesse. Mais grâce au processus d’épargne et à la rémunération, la fortune continue d’augmenter. Prenons l’exemple d’une personne assurée âgée de 63 ans au 1er février 2019 pour illustrer l’impact de la protection des droits acquis:

  • Situation au 1er février 2019:
    avoir de vieillesse de 500 000 francs, taux de conversion actuel de 4,918%, ce qui donne une pension de vieillesse annuelle de 24 590 francs.

  • Situation au 1er mars 2019 avec la baisse du taux de conversion:
    compte tenu du nouveau taux de conversion, la pension de vieillesse s’élèverait à 24 235 francs. Dans ce cas, la protection des droits acquis s’applique et la personne assurée touche une pension de vieillesse annuelle de 24 590 francs.

Si la personne assurée continue de travailler, le processus d’épargne se poursuit: l’avoir de vieillesse et la pension de vieillesse en francs augmentent. Six mois plus tard déjà, cette dernière s’élève à 24 971 francs et dépasse ainsi le montant garanti de 24 590 francs. Cependant, si le taux de conversion n’avait pas été abaissé, la pension de vieillesse aurait été plus élevée. Dans ce cas concret, elle aurait atteint 25 467 francs.

Informations relatives aux mesures compensatoires prises par les CFF et la CP CFF.

Les coûts découlant de la baisse du taux d’intérêt technique au 1er janvier 2019, de l’ordre de 922 millions de francs, seront intégralement pris en charge par la CP CFF. Cette dernière ne peut plus financer par ses propres moyens d’autres coûts importants visant à compenser la diminution des prestations octroyées aux assurés sans accroître considérablement le risque d’un nouvel assainissement.

Les CFF ne possèdent eux aussi qu’une marge de manœuvre financière restreinte. Les divers versements effectués par les CFF à la CP CFF par le passé ont notamment accru la dette de l’entreprise. Malgré tout, les CFF s’engagent à continuer de compenser autant que possible la réduction du taux de conversion.

L’entreprise veut permettre à ses collaborateurs de bénéficier de rentes justes à l’avenir également. C’est pourquoi à la demande du groupe, les CFF et les partenaires sociaux ont recherché ensemble des solutions et paraphé une convention prévoyant différentes mesures compensatoires. Pour entrer en vigueur, un tel accord doit toujours recueillir l’approbation des instances compétentes (conférence CCT du côté des partenaires sociaux, Conseil d’administration du côté des CFF), ce dont étaient conscients les partenaires sociaux comme les CFF.

Les coûts supplémentaires potentiels à la charge des CFF pourraient atteindre jusqu’à 200 millions de francs. Les CFF doivent pouvoir se permettre de verser une telle somme à la CP CFF. Le Conseil d’administration des CFF a donc décidé que l’ensemble des mesures compensatoires ne pourront être approuvées que si les CFF sont en mesure d’augmenter de manière significative leur productivité. Un enjeu qui nécessite absolument des modifications de la CCT.

Les syndicats ont reproché aux CFF de ne pas respecter des accords valides. Faux, rétorque Markus Jordi, responsable HR aux CFF: «Les CFF ne contreviennent par là à aucun accord. La convention mentionnée a simplement été paraphée, sous réserve expresse de l’approbation des instances compétentes. Il est déjà arrivé plusieurs fois aux CFF que les instances compétentes des partenaires sociaux rejettent une convention paraphée.» Et d’ajouter: «En particulier vis-à-vis de la Caisse de pensions, les CFF ont fait preuve d’un engagement considérable ces dernières années. Nous devons assumer notre responsabilité financière au sens large, vis-à-vis du propriétaire, de notre clientèle et du personnel.»

Malgré les mesures compensatoires décidées par la Caisse de pensions, la baisse du taux de conversion aura des répercussions financières importantes pour le personnel. C’est pourquoi les CFF veulent également permettre la mise en place de mesures compensatoires supplémentaires. Un objectif qui nécessite l’aboutissement des négociations CCT.

Vous trouverez des informations détaillées sur le premier volet de mesures compensatoires dans l’article «La CP CFF abaisse le taux de conversion».