Convoi exceptionnel : un pont ferroviaire traverse le Lac Léman

Le 9 mai dernier, les CFF ont remplacé un passage inférieur, niché entre le Lac Léman, un hameau et ses vignes. Pour ce faire, ils n’ont pas hésité à se jeter à l’eau avec le nouveau pont. Retour en images sur le chantier insolite de Treytorrens.

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Remplacer un pont ferroviaire après 100 ans de service n’a presque rien d’exceptionnel pour les CFF. Mais comment procéder lorsque l’ouvrage est situé en zone protégée, peu adaptée pour des travaux et difficilement accessible ? Un vrai casse-tête qui a été résolu grâce à un concept peu conventionnel : acheminer la nouvelle construction, pesant près de 300 tonnes, par voie d’eau. « A ma connaissance, les CFF n’ont jamais transporté un pont ferroviaire d’une telle manière », explique Benoit Miraton, ingénieur en génie civil et responsable du projet. Aucun bateau ne pouvant transporter un tel ouvrage, c’est donc le pont lui-même qu’il a fallu faire flotter.

N’y avait-il pas d’alternatives à ce projet ambitieux ? « Elles nous auraient posé d’autres problèmes », explique Benoit. « La seule alternative réaliste aurait consisté à construire le nouveau passage dans le lac ». L’équipe de Benoit écarte cette option pour deux raisons : « Il aurait fallu mettre en place une plateforme de construction dans le lac. Cela aurait été bien plus intrusif pour la nature – et le Lavaux est une zone protégée. » De plus, une plateforme dans l’eau aurait nécessité des précautions plus importantes pour garantir la sécurité. « Il aurait fallu la protéger contre la houle et les intemperies. »

Faire flotter 300 tonnes sur l’eau

L’équipe de projet conserve donc l’idée initiale et fait construire le passage inférieur de l’autre côté du lac, au Bouveret. Mais les travaux préparatoires ne s’arrêtent pas là – et tout ne se passe pas sur terre ferme. « En parallèle des travaux sur le site industriel du Bouveret, nous avons posé une rampe provisoire devant l’ancien pont. Ces travaux ont duré 10 semaines. » La nouvelle rampe permettra de riper, c’est-à-dire de glisser dessus, le nouvel ouvrage à la place de l’ancien.

Après 12 semaines de travaux au Bouveret, le nouveau passage inférieur est prêt – ou presque. « Nous avons construit des caissons métalliques pour pouvoir le faire flotter », explique Benoit. « En quelque sorte, ce système fonctionne comme des bouées pour enfants. »

Un convoi exceptionnel se met en route

Benoît et son équipe préparent méticuleusement la traversée. « Il fallait des conditions météo parfaites. » Pour anticiper d’éventuelles intempéries, l’équipe prévoit plusieurs dates pour le transport. « Le remplacement de l’ancien pont nécessitait une interruption totale du trafic ferroviaire. Elle était prévue de longue date et nous n’avions pas droit à l’erreur. Il fallait que la nouvelle construction arrive à temps. » Le premier créneau s’avère être le bon, mais l’équipe joue la sécurité. « Nous avons laissé la structure dans l’eau pendant deux jours avant de la transporter. Nous avons voulu nous assurer qu’il n’y avait pas d’infiltrations d’eau. »

Le lundi 29 mars 2021, un bateau pousse l’île flottante en béton. Après deux heures de voyage, elle arrive à destination.

Prêt pour le prochain siècle

Pendant plusieurs semaines, le nouveau pont attend sa mise en place. Le week-end des 8 et 9 mai 2021, l’ancien pont est retiré. Même problème de transport pour l’ancien ouvrage ? « Non, car nous l’avons scié en quatres parties de 40 tonnes chacune.», explique Benoit. Elles sont ensuite évacuées par par un train de chantier ferroviaire.

« Dernière étape de la mise en place : Des câbles en acier ont tiré la structure sur la rampe. » Avec succès : le lundi 10 mai, le premier train circule sur la nouvelle construction. Il ne reste plus qu’à retirer les éléments préfabriqués et la rampe provisoire posés devant le pont.

« Ce nouveau pont est conçu pour une durée de 100 ans. Nous serons donc tranquilles pour le siècle à venir », dit Benoît avec un clin d’oeil.